GÉNÉRALITÉS DU CANCER DU POUMON

La prise en charge des patients atteints de cancer du poumon nécessite la coordination de nombreuses spécialités qui évoluent constamment. Ainsi, le développement de la radiologie permet de diagnostiquer des formes plus précoces, l’utilisation de techniques chirurgicales et anesthésiques moins invasives permet de favoriser la récupération des patients opérés, les progrès de la radiothérapie permettent de traiter efficacement les tumeurs non opérables, et la caractérisation précise de chaque sous-type de cancers conduit au développement de nouveaux traitements médicamenteux. L’ensemble de ces progrès offre des espoirs inédits aux patients atteints de cancer du poumon.

Il existe cependant un risque que la multiplication des intervenants et la technicité de la prise en charge fassent passer les aspects humains au second plan. Pour vous accompagner dans ce parcours complexe, il nous paraît au contraire primordial de rester fidèles aux valeurs qui nous ont fait choisir les métiers du soin en général, et l’exercice à l’hôpital public en particulier. Nous veillerons donc à prendre en compte la maladie dans toutes ses dimensions, en vous fournissant des explications complètes en consultation, en ayant une écoute particulière au cours de l’hospitalisation, et en gardant des rapports humains dans une organisation qui est parfois complexe.

Notre but est de vous proposer une prise en charge personnalisée à la fois rigoureuse et innovante sur le plan scientifique, mais aussi attentive et bienveillante sur le plan humain. Il est important que vous participiez à ce projet, en ayant compris votre maladie et les principes de votre prise en charge. Pour cela, nous allons détailler dans les paragraphes suivants l’origine du cancer du poumon, le bilan qui doit être réalisé, et les principes des traitements disponibles, en insistant sur le déroulement des interventions chirurgicales et sur votre rôle tout au long de ce parcours.

DONNÉES GENERALES

Cancer-poumon.chirvtt.1

Causes

En France, le cancer du poumon est la 4ème cause de cancer. Il touche principalement les hommes, le plus souvent dans un contexte de tabagisme actuel ou passé. Le risque de développer un cancer du poumon est directement proportionnel à l’ancienneté et à l’importance du tabagisme. De plus, le tabagisme potentialise les autres facteurs de risque connus de cancer du poumon, qui comprennent l’exposition à l’amiante, à certains polluants industriels, à des irradiations externes et aux métaux (arsenic, nickel, chrome…). Enfin, tous les facteurs de risque de cancer bronchique ne sont pas connus : certains cancers surviennent chez des patients non fumeurs, alors que certains patients très gros fumeurs ne développeront jamais de cancer du poumon. Il existe donc des facteurs de susceptibilité individuelle qui restent à élucider.

Formes

Le cancer du poumon peut prendre deux formes très différentes, « à petites cellules » ou « non à petites cellules ». Le cancer bronchique « à petites cellules » est le moins fréquent : il représente 15% des cancers du poumon, ne bénéficie que très rarement d’une intervention chirurgicale, et ne sera pas abordé dans la suite de ce texte. Le cancer bronchique « non à petites cellules » est le plus fréquent : il représente 85% des cancers du poumon, peut parfois à l’issue d’un bilan complet bénéficier d’une intervention chirurgicale, et sera détaillé dans les prochains paragraphes.

Origine

Le cancer bronchique dit « non à petites cellules » nait des cellules qui tapissent la surface des bronches de tout calibre. Soumises à des agressions répétées, par exemple par la fumée de cigarette, ces cellules se multiplient de façon ordonnée (hyperplasie), puis se modifient (dysplasie), se multiplient de façon anarchique (carcinome in situ), et finissent par envahir les structures adjacentes (carcinome invasif). En l’absence de traitement, le cancer grossit. Il peut envahir les structures proches (plèvres, côtes, trachée, gros vaisseaux…), s’étendre vers les ganglions du thorax (adénopathies dans le poumon atteint, puis le long de la trachée entre les deux poumons), et/ou se propager par le sang (métastases au cerveau, au foie, à l’os…).

Evolution

Le cancer bronchique « non à petites cellules » est lui-même divisé en deux catégories. Le cancer bronchique « non à petites cellules » de type épidermoïde est très associé au tabagisme. Il se développe plutôt à partir des grosses bronches centrales. Il grossit et donne d’abord des ganglions dans le poumon, plus tardivement des ganglions le long de la trachée ou des métastases. Le cancer bronchique « non à petites cellules » de type adénocarcinome est un peu moins associé au tabagisme, il peut survenir chez des patients non fumeurs. Il se développe à partir des petites bronches périphériques. Même de petite taille, il peut s’étendre vers les ganglions le long de la trachée et donner des métastases.

DIAGNOSTIC

Symptômes

La plupart des cancers du poumon de stade précoce sont découverts de façon fortuite, sur des examens de radiologie prescrits pour d’autres raisons : surveillance d’un précédent cancer non pulmonaire ou douleurs thoraciques finalement non liées au cancer. Plus rarement, une toux, un essoufflement, des crachats sanglants, ou des douleurs dans la poitrine peuvent faire réaliser un scanner thoracique, qui découvre une tumeur (parfois appelée « tache ») au poumon. Si cette tache au poumon évoque un cancer, il faut réaliser un bilan complet.

Confirmation

Afin d’obtenir un diagnostic de certitude, il faut réaliser un prélèvement de la tumeur : c’est la biopsie. Si la tumeur atteint les bronches ou les ganglions, la biopsie peut être réalisé sous anesthésie locale au cours d’une fibroscopie bronchique. Si la tumeur n’atteint ni les bronches ni les ganglions, la biopsie peut être réalisée sous anesthésie locale au cours d’un scanner des poumons. Si la tumeur est associée à des métastases facilement accessibles, la biopsie d’une métastase peut être envisagée. Plus rarement, si la tumeur est localisée et que ni la fibroscopie ni la ponction sous scanner ne permettent d’en déterminer nature exacte, la biopsie peut être réalisée sous anesthésie générale au cours d’une intervention chirurgicale. Quelque soit le moyen employé, le bout de tissu prélevé au cours de la biopsie sera adressé dans le laboratoire d’anatomo-pathologie, et examiné au microscope par des médecins spécialisés.

Bilan d’extension

Afin de connaître l’extension du cancer, il faut réaliser une imagerie cérébrale, une imagerie abdominale, et un TEP-scanner. L’imagerie cérébrale peut être un scanner cérébral ou une IRM cérébrale, à la recherche de métastases du cancer dans le cerveau. L’imagerie abdominale peut être un scanner abdominal ou une échographie abdominale, à la recherche de métastases du cancer au foie et aux glandes surrénales. Le TEP scanner permet de déterminer l’activité de la tumeur pulmonaire, des ganglions, et de dépister des métastases qui n’auraient pas été visibles au scanner seul.

Bilan avant traitement

Enfin, avant de préconiser un traitement, nous devons explorer le fonctionnement des poumons par des épreuves du souffle (Explorations Fonctionnelles Respiratoires, EFR), le fonctionnement du cœur par une échographie (Echographie Trans Thoracique, ETT), et le fonctionnement des reins et de du foie par une prise de sang (fonction rénale et bilan hépatique). 

Stades du cancer

La biopsie permet de connaître le sous type exact du cancer et sa sensibilité à différents traitements médicaux. Le bilan d’extension conduit à une classification dite TNM (Tumor-Node-Metastasis) en fonction de l’extension de la tumeur primitive, des ganglions, et d’éventuelles métastases à distance. Ces trois données sont compilées en un stade, qui va du stade I pour les petites tumeurs sans ganglion et sans métastase, au stade IV pour les tumeurs associées à des métastases. Le bilan pré-thérapeutique permet de savoir si le patient peut supporter une intervention, des rayons, ou certains traitements médicaux agressifs.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Réunion de concertation pluri-disciplinaire (RCP) d’oncologie thoracique

Quelque soit le type du cancer, le stade du cancer, et l’état de santé du patient, la décision de traitement sera prise en concertation avec lui, et après discussion au cours d’une RCP d’oncologie thoracique. Une RCP d’oncologie thoracique rassemble les pneumologues, oncologues, radiologues, chirurgiens, radiothérapeutes, et anatomopathologistes.

Cancer-poumon-Reunion-concertation-pluri-disciplinaire-RCP-chirvtt.7

Dans le Groupe hospitalier universitaire Nord Val de Seine (hôpital Bichat, hôpital Louis Mourier, hôpital Beaujon), cette RCP se tient chaque semaine dans le service d’oncologie thoracique (Bichat), de pneumologie (Louis Mourier) ou de cancérologie (Beaujon), selon les règles édictées par la Haute Autorité de Santé. Au cours de la réunion, les dossiers des patients sont présentés de façon formelle, les résultats des différents examens sont vérifiés, les scanners sont vidéoprojetés et relus par l’ensemble des médecins présents, et les possibilités thérapeutiques sont discutées. La décision est prise de façon consensuelle, un compte-rendu écrit est inséré dans le dossier du patient, et la décision est communiquée au patient par son médecin responsable

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Principes

Nous allons maintenant développer les principes de la prise en charge chirurgicale d’un patient atteint de cancer du poumon « non à petites cellules » opérable. Le but de la chirurgie est de réaliser une résection complète de la maladie cancéreuse, c’est à dire de retirer toute la maladie connue et visible au moment de l’intervention. Le chirurgien ne retire pas que la tumeur, il retire également un morceau de poumon adjacent, et les ganglions de drainage de la tumeur et du poumon adjacent. Le morceau de poumon retiré correspond à une division anatomique du poumon : on parle de résection anatomique. Cette résection peut emporter un segment pulmonaire (segmentectomie, environ 5% à 10% de la capacité pulmonaire totale), un lobe pulmonaire (lobectomie, environ 20% de la capacité pulmonaire totale) ou un poumon entier (pneumonectomie, jusqu’à 50% de la capacité pulmonaire totale).

Évaluation physiologique

La chirurgie ne peut être proposée qu’à des patients en bonne forme, après vérification de leur état général, de leur fonction pulmonaire et de leur fonction cardiaque. Il est nécessaire que le patient est cessé son intoxication tabagique au minimum 15 jours avant la chirurgie. Cette évaluation « physiologique » est beaucoup plus importante que l’âge « administratif ». Si l’évaluation physiologique conclue que la fonction pulmonaire du patient est précaire mais peut s’améliorer, nous proposerons une préparation préopératoire par kinésithérapie respiratoire à domicile ou au cours d’un séjour dans un service de suites et réhabilitation (SSR) respiratoire. Ce séjour sera l’occasion d’intensifier les traitements à visée respiratoire, d’améliorer la capacité à l’effort, et de préparer l’intervention dans les meilleures conditions.

Indications d’une chirurgie

La chirurgie est le traitement de référence des cancers du poumon « non à petites cellules » de stade I à II, c’est à dire des tumeurs et des ganglions limités au poumon. La chirurgie peut être proposée en association avec la chimiothérapie et la radiothérapie dans certains cancers du poumon « non à petites cellules » de stade III, c’est à dire des tumeurs atteignant les structures avoisinantes ou les ganglions situés entre les poumons. La chirurgie n’est qu’exceptionnellement envisagée dans les cancers du poumon « non à petites cellules » de stade IV, uniquement dans certains cas où la maladie métastatique est limitée à une seule métastase, et la situation contrôlée par des traitements locaux de la métastase (radiothérapie et/ou chirurgie) et des traitements généraux du cancer (chimiothérapie, thérapies ciblées, ou immunothérapie).

Amélioration des soins

Au delà de ces indications classiques, notre service ChirVTT travaille constamment à l’amélioration de la prise en charge chirurgicale des patients atteints de cancer du poumon. Ainsi, les progrès récents de la chirurgie et de l’anesthésie permettent de proposer des approches moins invasives, assistées par la vidéo, sans écarter les côtes, et ainsi de limiter les douleurs postopératoires, la nécessité de drainage, et l’immobilisation des patients. Dans le même temps, un investissement fort des équipes soignantes dans la réhabilitation avant et après chirurgie permet d’améliorer l’autonomie des patients en postopératoire, de limiter le risque de complication, et de raccourcir la période de convalescence. Ces protocoles dits de « Récupération Améliorée Après Chirurgie » (RAAC) visent donc bien à améliorer les soins aux patients, et non pas à « rentabiliser » les lits de l’hôpital comme on l’entend parfois !

 

Innovations et recherche

Malgré tout ces progrès, le cancer du poumon reste une maladie grave, et les tumeurs localisées opérées présentent toujours un risque de récidive. Nous participons donc à plusieurs essais thérapeutiques, qui visent à diminuer le risque de récidive après chirurgie. En préopératoire, le protocole IONESCO permet de proposer un traitement par immunothérapie préopératoire, pendant un mois, avant d’étudier la réponse de la tumeur. En peropératoire et au cours de l’hospitalisation, l’utilisation de chirurgie vidéo-assistée et le protocole de Récupération Améliorée après Chirurgie (RAAC) permettent de diminuer le stress lié à l’intervention, le risque de complication, et la durée de la convalescence. En postopératoire, le protocole BR31 permet de proposer un traitement par immunothérapie postopératoire, pendant un an, afin d’étudier l’influence de ce traitement sur le risque de récidive du cancer du poumon. En postopératoire également, le protocole LungART permet d’évaluer l’intérêt d’une radiothérapie complémentaire, après l’ablation chirurgicale complète de tumeurs étendues au ganglions situés entre les poumon le long de la trachée. Le service d’oncologie thoracique de l’hôpital Bichat participent à d’autres protocoles dans le cadre d’essais nationaux ou internationaux souvent coordonnés par l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT).