UN EXEMPLE CONCRET DE TRAITEMENT DE CANCER DU POUMON AVEC CHIRURGIE

Afin de rendre concret ces principes, nous allons prendre l’exemple d’un patient pris en charge dans notre service ChirVTT pour un cancer du poumon localisé.

DÉBUT DE LA PRISE EN CHARGE

Cancer-poumon.TRAITEMENT-EXEMPLE-chirvttInitialement, le patient a présenté une toux qui l’a amené à consulter son médecin généraliste. Le médecin généraliste a prescrit un scanner, qui retrouve une tumeur pulmonaire isolée de 3 cm de diamètre.

Le médecin généraliste a pris rendez-vous avec un pneumologue, qui a vu le patient en consultation dans la semaine.

Le pneumologue a prescrit une fibroscopie, qui s’est avérée normale, puis une ponction sous scanner de la tumeur, qui a prouvé qu’il s’agissait d’un cancer du poumon de type « non à petites cellules ».

Le patient est venu en hôpital de jour ou en hospitalisation conventionnelle et a bénéficié du bilan d’extension (scanner cérébral, thoracique, et abdominal ; TEP scanner) et du bilan physiologique (prise de sang, explorations respiratoires, échographie cardiaque).

Quelques jours plus tard, le dossier a été présenté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) d’oncologie thoracique et un traitement chirurgical par lobectomie pulmonaire sous vidéo-thoracoscopie a été décidé. Le cancérologue en charge du patient lui a expliqué cette décision, et a pris rendez-vous pour lui dans le service de chirurgie ChirVTT et dans le service d’anesthésie.

CONSULTATION CHIRURGICALE

Arrêter de fumer 15 jours avant - traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichat

Au cours de la consultation avec le chirurgien, les résultats de tous les examens ont été une nouvelle fois exposés au patient. Le principe, le déroulement, les bénéfices, et les risques de l’intervention ont également été exposés. Une date d’intervention a été fixée.

Si le patient fume encore, il doit impérativement arrêter complètement de fumer 15 jours avant l’intervention.

Si sa fonction respiratoire est précaire, les possibilités de réhabilitation préopératoire, à domicile par un kinésithérapeute ou au cours d’une hospitalisation dans le cadre d’un SSR pneumologique, sont discutés en consultation.

Si le patient semble fragile, les conditions de retour à domicile sont également discutées en consultation, depuis la nécessité d’anticiper les soins infirmiers et kinés qui seront prescrits en postopératoire, jusqu’à une demande de maison de convalescence pour le postopératoire.

CONSULTATION D’ANESTHÉSIE

anesthesie-traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichatAu cours de la consultation avec l’anesthésiste, l’ensemble des traitements pris par le patient est vérifié. Certains traitements devront être arrêtés avant l’intervention, d’autres au contraire devront impérativement être pris sans interruption tout au long de la prise en charge.

Les modalités d’anesthésie et de prise en charge de la douleur seront exposés.

Si la fonction respiratoire est normale et que le geste prévu est une lobectomie vidéo-assistée, l’analgésie sera basée sur des médicaments classiques (paracétamol, tramadol, anti-inflammatoires) et sur un cathéter situé à proximité du site opératoire (cathéter périnerveux), complétés par une pompe à morphine pour les premières 24 heures.

ADMISSION À L’HÔPITAL

admission-traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichatLe patient est attendu dans le service au 9ème ou au 10ème étage secteur Ouest la veille de l’intervention à 15h. Il prend possession de sa chambre, installe ses affaires, rencontre l’infirmière et le kinésithérapeute qui s’occuperont de lui après l’intervention.

L’anesthésiste passe vérifier que tout va bien, et préconise parfois de réaliser une prise de sang et un électrocardiogramme.

Le chirurgien en charge du patient passe répondre aux dernières questions, indiquer l’heure de passage au bloc, et rassurer le patient et ses proches avant l’intervention.

Le patient peut ensuite dîner, et doit prendre une douche avec un antiseptique. Un médicament somnifère est prescrit en cas de besoin.

LE MATIN AU BLOC

S’il est opéré en première position, notre patient sera réveillé à 6h, il pourra bénéficier d’une collation composée d’une boisson chaude (sans sucre, sans lait) et d’un jus de fruit sans pulpe (raisin, pomme).

Il devra ensuite prendre une nouvelle douche antiseptique, et enfilera la tenue de bloc, qui vise à garantir les meilleures conditions d’hygiène tout en respectant son intimité.

Cette tenue comprend :

  • un pantalon en papier,
  • une casaque en papier,
  • une charlotte en papier,
  • des bas de contention.

Même s’il n’est pas administré systématiquement, un anxiolytique est prescrit pour détendre le patient s’il en exprime le besoin. Le patient est ensuite descendu en brancard au bloc opératoire, situé au premier sous-sol de l’hôpital.

bloc-operatoire-traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichat

AU BLOC OPÉRATOIRE

Le patient est accueilli dans la zone d’attente du bloc par une infirmière, puis transféré dans la salle de bloc, allongé sur la table d’intervention, et réchauffé par une couverture chauffante. Il est rassuré par les anesthésistes, perfusé, puis endormi par des médicaments anesthésiques administrés par voie veineuse.

Une fois que le patient est endormi, un tuyau est placé dans sa gorge et connecté à un ventilateur afin de l’oxygéner (intubation).

Le patient est alors positionné allongé sur le côté sain, et le côté à opérer est badigeonné avec une solution antiseptique. Des champs stériles sont placés tout autour de la zone à opérer.

L’anesthésiste met en place un cathéter autour des nerfs intercostaux pour anesthésier encore plus profondément la zone à opérer et ainsi diminuer les douleurs postopératoires.

L’INTERVENTION

Pour une lobectomie vidéo-assistée, le chirurgien réalise trois incisions de 1 cm sur le côté du thorax pour insérer une caméra et des instruments longs et fins à l’intérieur du thorax. Il commence par explorer la cavité pleurale et le poumon, à la recherche d’une extension de la tumeur qui n’aurait pas été vue au scanner. Pour cela, il regarde un écran et ne met pas les mains dans le thorax. En l’absence de mauvaise surprise, il élargit une incision jusqu’à 5 cm, met en place une protection de la paroi qui n’écarte pas les côtes, et réalise la lobectomie. Il identifie les vaisseaux et les bronches allant vers le lobe atteint, les lie et les coupe en veillant à préserver les vaisseaux et les bronches allant vers le ou les autres lobes du poumon opéré.

Le lobe atteint est séparé du poumon sain en utilisant des systèmes d’agrafes qui permettent de sceller le poumon et d’éviter les fuites de sang ou d’air. Le lobe atteint est enfin extrait du thorax et envoyé dans le laboratoire d’anatomopathologie où il est examiné à l’œil nu (macroscopie) puis sous microscope (histologie). Les ganglions qui longent les bronches sont également retirés et adressés en anatomopathologie. Un ou deux tuyaux sont enfin mis en place dans la plèvre pour drainer la cavité, et les incisions sont fermés avec des fils résorbables.

L’intervention dure entre 2h et 3h selon la difficulté technique. Il existe toujours un risque que l’intervention ne soit pas réalisable en vidéo-thoracoscopie. Dans ce cas, le chirurgien convertit l’incision de 5cm en une incision de 15 cm nécessitant d’écarter les côtes pour glisser les mains dans le thorax. En fin d’intervention, le patient est repositionné sur le dos, réveillé, extubé, puis transféré en salle de réveil.

EN SALLE DE RÉVEIL

Il faut prévoir environ une heure avant que le patient ne reprenne complètement ses esprits, et puisse bénéficier de la mise en place d’une pompe à morphine, d’un aérosol qui vise à dégager ses bronches, puis de la kinésithérapie respiratoire pour bien regonfler ses poumons et évacuer des sécrétions qui pourraient s’accumuler dans les poumons.

Le patient ne voit alors que les drains qui sortent de la partie basse de son thorax, et sont connectés à un dispositif de recueil. Il ressent en général une gêne dans la gorge liée à l’intubation, et une douleur modérée au niveau des côtes liées à l’intervention. Le séjour en salle de réveil dure entre 3h et 6h selon les patients et la profondeur de l’anesthésie.

RETOUR DANS LE SERVICE

Le patient est donc de retour dans sa chambre vers 18h, équipé du ou des drains branchés sur le dispositif de recueil, de la perfusion connectée à une pompe à morphine, et du cathéter périnerveux connecté à un biberon d’anesthésique local. Malgré tous ces tuyaux, le but est alors de mobiliser le patient. En effet, l’association des douleurs aux côtes et de la position allongée crée des contractures dans les épaules, le dos et les fesses, et constitue un cercle vicieux de douleurs qu’il ne faut surtout pas laisser s’installer. De plus, un patient qui a mal aux côtes et reste allongé au lit gonfle mal ses poumons, a du mal à tousser, et crache peu, ce qui peu conduire à un encombrement bronchique, voire à une pneumonie. Enfin, la position allongée ne permet pas d’avaler le repas du soir dans de bonnes conditions et le patient risque d’avaler de travers (fausse-route), ce qui peut également entraîner une pneumonie.

Pour prévenir ces complications, nous insistons pour que les patients arrêtent de fumer avant l’intervention, nous développons la chirurgie vidéo-assistée, nos anesthésistes traitent au mieux les douleurs, mais il est également primordial que le patient opéré travaille bien avec les kinésithérapeutes, et se mobilise bien avec les infirmières et les aide-soignants du service.

Le soir de l’intervention, le but est de réussir à faire quelques pas dans la chambre, au mieux pour dîner assis sur un fauteuil placé à côté du lit. Le patient opéré dans la journée peut recevoir des visites le soir de l’intervention.

LES JOURS SUIVANTS

Dans les jours qui suivent, notre prise en charge s’adapte au patient, à sa récupération, et aux complications qui pourraient survenir.

Typiquement, un patient opéré de lobectomie pulmonaire vidéo-assistée pourra bénéficier d’une kinésithérapie respiratoire deux heures après l’intervention, d’un dîner assis dans sa chambre le soir de l’intervention, puis d’un retrait rapide des drains et perfusion. Dans la situation idéale, le premier drain, la perfusion et la pompe à morphine sont retirés le lendemain de l’intervention, le deuxième drain et le cathéter périnerveux sont retirés le jour suivant.

Au mieux, une sortie peut donc être possible dès le 3ème jour postopératoire, non pas parce qu’il faut rentabiliser l’hôpital, mais parce que les patients vont bien et demandent à rentrer chez eux !

Cependant, des drains productifs, des douleurs trainantes, des gros besoins de kinésithérapie respiratoire peuvent allonger le séjour hospitalier, et en moyenne, le séjour après lobectomie pulmonaire vidéo-assisté est de 7 jours.

RETOUR AU DOMICILE

À sa sortie, le patient a reçu des ordonnances :

  • de kinésithérapie respiratoire pour améliorer la réexpansion pulmonaire ;
  • d’antalgiques et de kinésithérapie motrice pour diminuer les douleurs ;
  • d’injection d’anticoagulant pour prévenir la survenue d’une phlébite ;
  • de soins infirmiers pour les soins de pansement et les injections d’anticoagulant.

Si le patient n’arrive pas à coordonner ces différents intervenants, ou si des aides ménagères sont nécessaire, la CPAM peut nous aider à organiser la sortie par le Programme d’aide au retour à Domicile (PRADO). Si le patient est jugé trop fragile sur le plan général pour rentrer à la maison, un séjour de 2 à 4 semaines en maison de convalescence peut être demandé, mais doit être anticipé dès la consultation préopératoire. Si le patient est jugé trop fragile sur le plan respiratoire pour rentrer à la maison, un séjour de 2 à 4 semaines en SSR pneumologique peut être demandé. Dans tous les cas, le patient sort avec un rendez-vous avec son chirurgien 2 à 4 semaines après la sortie. Dans la mesure du possible il est conseillé de rester en Ile de France jusqu’à la consultation postopératoire. Il est déconseillé de prendre l’avion pendant les 4 semaines qui suivent l’intervention.

LA SECONDE RCP

RCP-reunion-concertation-pluridisciplinaire-traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichatPendant ce temps, les médecins anatomopathologistes analysent la pièce opératoire, et la situation du patient est à nouveau discutée en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) d’oncologie thoracique.

En fonction de la nature exacte de la tumeur, de sa taille, de l’atteinte de l’enveloppe du poumon (plèvre) et des ganglions, un traitement complémentaire par chimiothérapie et/ou radiothérapie peut être préconisé. L’inclusion dans des protocoles de recherche évaluant l’intérêt de traitements complémentaires par immunothérapie peut également être proposée.

CONSULTATION POST-OPERATOIRE

Au cours de cette consultation, le chirurgien interroge le patient sur la présence de symptômes respiratoires ou de douleurs thoraciques.

Il vérifie la cicatrice des orifices de trocart à l’examen et la bonne expansion du poumon à la radiographie. Le chirurgien communique au patient son compte-rendu opératoire et son compte-rendu d’hospitalisation.

Il communique également au patient les résultats de l’analyse de la pièce et la décision de réunion de concertation pluridisciplinaire si elles sont disponibles.

Il vérifie enfin que le patient a bien un rendez-vous prévu pour la suite de sa prise en charge, avec son médecin pneumologue ou oncologue référent. Si aucun traitement complémentaire n’est nécessaire, le patient bénéficie d’une surveillance par scanner thoracique à intervalle régulier.

Si un traitement complémentaire par chimiothérapie est nécessaire, celle-ci doit être organisée dans les 2 mois qui suivent l’intervention. Si un traitement complémentaire par radiothérapie est nécessaire, les protocoles dépendent du type de rayon et du centre de traitement.

ET ENSUITE…

traitement-traitement cancer du poumon - service chirvtt - bichatLes cicatrices, qui peuvent être initialement un peu rigides, s’assouplissent en général en quelques semaines. Elles doivent être protégées du soleil (par des habits ou par une crème solaire de type écran total) pendant 1 an.

Les douleurs postopératoires disparaissent le plus souvent dans le mois qui suit l’intervention. Ces douleurs peuvent être remplacées par des paresthésies, c’est à dire une gêne liée au traumatisme du nerf intercostal lors de l’intervention et du drainage. Cette gêne est située sur l’avant du thorax, sous le sein chez la femme, sous le pectoral chez l’homme. Cette gêne peut prendre la forme d’une anesthésie complète, d’une sensation de gonflement ou de de peau cartonnée, parfois de picotements, au maximum de brulure ou d’irritation au contact qui nécessitent alors une prise en charge spécifique.

La fonction pulmonaire récupère assez vite, et si votre fonction était normale au repos avant l’intervention, elle redeviendra normale au repos 3 à 6 mois après l’intervention.

Vos capacités d’effort peuvent en revanche être diminuées après l’intervention.

Dernier point, les agrafes utilisées pour séparer le poumon sont faites d’un alliage métallique inerte qui n’entraîne pas de complication à distance, n’a pas besoin d’être retiré, et ne provoque pas de sonnerie sous les portiques de sécurité !