Ereutophobie – Sympathectomie

Le rougissement des joues est une réaction tout à fait normale et banale, qui ne pose pas de problème à la plupart d’entre nous. Pourtant, et cela peut paraitre étonnant, un certain nombre de personnes en souffrent psychologiquement, et parfois beaucoup. Ce problème devient réel lorsque toute situation de rencontre ou d’échange avec l’autre fait naitre une crainte obsédante : vais-je rougir ? Rougir en public est en effet, pour certaines personnes, synonyme de faiblesse, de perte de crédibilité, de timidité, de mensonge, de culpabilité, bref de honte. Voulant à tout prix dissimuler leurs réactions émotionnelles, ces personnes vont alors rentrer dans un cercle vicieux : peur de rougir, donc émotion de peur (ou de gêne, honte, colère, etc.), donc rougissement. Car le rougissement, comme l’émotion qui l’accompagne, est par nature incontrôlable ; plus vous tentez de la chasser ou de la supprimer, plus elle s’impose et s’amplifie.

Lorsque l’obsession du rougissement est forte, réellement gênante et durable, les médecins parlent d’éreutophobie (peur obsédante de rougir en public), qui est une des variantes de la phobie sociale.

L’éreutophobie touche en général des personnes jeunes, entre 15 et 40 ans, et autant les hommes que les femmes. Il s’agit majoritairement de personnes timides et manquant de confiance en elle, voire d’estime de soi. Cependant, la peur de rougir peut aussi se développer assez soudainement chez des personnes très sûres d’elles et sociables auparavant, notamment à la suite d’une grande crise de rougissement qui les a exposées à des moqueries ou à une sensation d’humiliation imprévue et insupportable.

Vous êtes la seule personne à ne pas vraiment savoir si vos joues sont rouges ou non, car vous ne les voyez pas directement. Les indices que vous en avez sont uniquement indirects : sensation de chaleur, reflet dans la lame du couteau, attitude de votre interlocuteur, etc.  Très souvent, ces indices sont trompeurs (on a toujours tendance à surestimer son rougissement) et surtout ils ne servent à rien. Rouge ou pas, vous n’y pouvez rien et plus vous vous surveillerez, plus vous risquez d’être mal à l’aise, tendu, maladroit avec l’autre, et… peut-être encore plus rouge !

EN SAVOIR PLUS

  • Un livre « Ne plus rougir et accepter le regard des autres » écrit par des spécialistes : un psychiatre, le Docteur Antoine Pelissolo et un psychothérapeute, Stéphane Roy. Ce livre est un véritable guide qui répondra à vos questions et vous proposera des informations pour comprendre l’éreutophobie dont vous souffrez. Il vous donne également des conseils pour agir au quotidien et une description de l’ensemble des thérapeutiques disponibles : comportementales, médicamenteuses et chirurgicale (sympathectomie thoracique).
  • Il existe également plusieurs sites, des forums de discussion et des blogs sur internet.

UNE ÉCHELLE SIMPLE

Pour mesurer l’éreutophobie

Une échelle simple et validée permet de mesurer l’éreutophobie par sa moi-même, c’est un questionnaire élaboré par l’équipe du Docteur Pelissolo qui a été publié dans le Journal Canadien de Psychiatrie (Can J Psychiatry. 2010 Sep ;55(9) :610-4).

Quand vous aurez répondu à chacune des questions, on calcul le score en additionnant les points des six réponses. Si ce score est inférieur à 6, votre éreutophobie est légère. Entre 6 et 12, vous souffrez d’une éreutophobie modérée. Entre 13 et 24, votre éreutophobie est intense.

SE FAIRE AIDER

Les thérapeutiques comportementales, la psychothérapie, les médicaments…

Des démarches auprès de professionnels : médecin traitant, psychiatre et psychologue sont nécessaires voir indispensables en cas d’éreutophobie intense .

Les thérapeutiques comportementales et cognitives sont des psychothérapies qui visent à analyser et à modifier ce qui fait souffrir le patient dans ses comportements, ses modes de pensée et ses émotions. Une autre approche parfois intéressante en complément des thérapeutiques comportementales et cognitives est l’utilisation du retraitement et de la désensibilisation par les mouvements oculaires. Les psychothérapies inspirées de la psychanalyse visent à explorer, avec l’aide d’un spécialiste, les ressorts inconscients des difficultés psychologiques rencontrés par le patient. Enfin, la médiation en pleine conscience pratiquée par des psychothérapeutes peut représenter un complément utile associé aux autres méthodes.

Les médicaments ne doivent être utilisés que sur avis et prescription médicale. Ils peuvent être utiles dans deux types de situations : pour affronter une situation précise que l’on craint particulièrement, ou comme traitement de fond quand le stress est très intense et continuel à cause de la peur de rougie et du regard des autres. Les médicaments béta-bloquants et les anxiolytiques apportent une aide ponctuelle. Un traitement de fond par antidépresseur peut être indiqué lorsque l’éreutophobie entre dans le cadre d’une phobie sociale très douloureuse et handicapante dans la vie quotidienne.

LA SYMPATHECTOMIE THORACIQUE

La sympathectomie thoracique est une thérapeutique de dernier recours dans la prise en charge de l’ereutophobie. Il est indispensable d’avoir consulté et discuté avec un psychiatre ou un psychologue avant de l’envisager.

La sympathectomie thoracique est pratiquée par une technique mini-invasive sous anesthésie générale (thoracoscopie par vidéo ou robot). La chirurgie est réalisée avec une caméra et des instruments dirigés à distance manuellement ou à l’aide d’un robot. C’est un chirurgien vasculaire ou thoracique qui réalise cette intervention.

L’intervention consiste à supprimer l’effet des deux nerfs sympathique thoracique (gauche et droit). L’intervention dure moins d’une heure, c’est-à-dire 20 à 30 minutes par côté. Les cicatrices sont petites (5 à 8 mm) et situées dans la région des aisselles c’est-à-dire sous les bras, ce qui correspond à la région du soutien-gorge pour les femmes. Ces cicatrices ne posent aucun problème esthétique. Il n’y a aucun fils ou agrafes à retirer.

Notre équipe estime qu’une nuit à l’hôpital le jour de l’intervention est indispensable afin d’assurer une surveillance et une sécurité maximale pour ces jeunes patients opérés du thorax. Une radiographie est pratiquée avant la sortie de l’hôpital, des antalgiques simples (type paracétamol) sont prescrits pour une période d’une à 2 semaines. Il est conseillé d’interrompre ses activités sportives ou travaux physiques pendant un mois.

Il est possible mais très rare de présenter un pneumothorax à l’ablation des redons qui nécessite la pose d’un petit drain pendant 24 ou 48 heures. Il est également possible mais exceptionnel de présenter une légère chute de la paupière qui est le plus souvent passagère et qui n’a aucun effet sur la vision.L’intervention en elle-même n’est pas ou peu douloureuse. Néanmoins des douleurs dans le dos et une sensation d’oppression thoracique, peuvent apparaître quelques jours après la sortie d’hôpital puis disparaissent.